Alors que la cité a principalement une vocation militaire dans l’Antiquité, le Haut Moyen-Age voit la ville se replier au profit de du château fort devenu centre de la puissance et implanté surtout en Europe du nord, dans les campagnes. Pourtant à partir du XIème siècle et surtout au XII – XIIème siècle, l’Occident connait un renouveau urbain. Le monde urbain, minoritaire, possède des liens avec le monde rural bien qu’il en diffère fondamentalement. La ville est ainsi le lieu d’émergence d’une nouvelle société et pour beaucoup d’historiens dont Jacques le Goff, spécialiste de la période, le lieu de genèse de l’Etat moderne.
En quoi les villes sont-elles le lieu de création d’une société et d’une culture nouvelles qui se distinguent du cadre global de la société et de la culture féodales alors dominantes en Occident ?
I – Etudes de cas – L’essor des villes médiévales et d’une nouvelle société urbaine
II – Le fonctionnement de la ville au Moyen-Âge.
A) Essor rural et grand commerce à l’origine de la croissance des villes
Reprise du grand commerce, miné par les conquêtes arabes du VIe et VIIe siècle.
=> A partir du XIIè – XIIIè s : essor des marchands dont l’esprit d’initiative et la réussite jouent un rôle moteur (voir Flandre et Venise).
=> Expansion des plus grandes cités sur les grands axes commerciaux .
Essor global de l’Occident et en premier lieu l’essor rural et la croissance démographique exceptionnelle (la population occidentale faisant plus que doubler entre 1050 et 1250), sous l’effet de la hausse de la fécondité et le recul des grandes famines.
Si les fonctions économiques sont bien les principaux moteurs du développement urbain, les fonctions politiques et administratives, éducatives ou religieuses sont sans doute tout autant à l’origine du développement des noyaux urbains : la présence de l’évêque d’une abbaye, d’une université étant en soi un des moyens du développement économique. (c.f. Paris)
B) Le dynamisme économique des villes
La ville est divisée en quartiers qui coïncident en général avec des métiers. On peut trouver tous les bouchers dans une même rue, les menuisiers dans une autre. L’artisanat et le commerce sont les principales activités.
Les artisans se rassemblent en associations professionnelles appelées confrérie, « métier », « art », ou corporation.
Chaque métier dispose d’un statut organisant la profession. Ce statut distingue trois catégories de membres : les maîtres, les compagnons et les apprentis.
Les marchands et les villes s’organisent en hanses ou guildes.
Qu’il s’agisse du travail, de la vie religieuse, des fêtes, des cérémonies ou des distractions, la vie des urbains est encadrée et organisée de manière plutôt stricte et dans le cadre d’un groupe, d’une communauté.
- Les villes sont des lieux de consommation (place de l’argent)
- Les villes sont des lieux de production artisanale Ateliers
Métiers « en haut de l’échelle sociale » : pelletier, hommes de loi, marchands
Spécialisation (triage, cardage, filage, dévidage des laines, tissage foulage, puis teinture)
Pas de concurrence - Les villes sont des places d’échange (essor du grand commerce → dissociation entre production et échange. → pré-capitaliste en multipliant ses activités (commerce, change, banque, …) + contrat d’association écrit)
Le personnage du marchand, par son dynamisme (importance de l’initiative privée, enrichissement et élévation sociale), est le symbole de la ville perçue comme base de la modernité. Mais si les marchands atteignent effectivement une place essentielle dans les villes italiennes, où ils conquièrent le pouvoir, leur importance est à nuancer pour les autres espaces.
III – L’émergence d’une société et d’une culture urbaine
A) Une société nouvelle et hiérarchisée
Même si l’organisation géographique des villes institue une réelle mixité sociale, les différences fortes persistent et les inégalités sociales sont d’autant plus intensément ressenties. On peut distinguer trois groupes :
– l’élite urbaine (parfois appelée « patriciat » par les historiens) : familles nobles qui tendent à quitter les villes en particulier au Nord, et riches bourgeois, qui s’imposent au cours du 13e s, et forment un groupe qui cherche à se fermer et se rendre héréditaire.
– les autres citadins reconnus : gens de métiers (artisans ou ouvriers), boutiquiers, gens d’office, clercs.Les plus nombreux. Certains maîtres se rapprochent de l’élite, mais la masse des salariés sont dépendants de la conjoncture.
– Pauvres, immigrants, marginaux : forment une population instable, mêlée socialement, très voyante (mendicité, voleurs).
=> rôle de la charité (monastères, hôpitaux, maisons-dieu) est essentiel dans la vie urbaine.
La vision chrétienne traditionnellement positive de ces pauvres tend à évoluer vers la suspicion au début du XIVe s (temps des crises)
Dans le même temps on observe de nombreux signes de l’affirmation d’une identité urbaine (on parle aussi de « culture communale ») : sceaux, édification de monuments (beffroi), palais communal, choix d’un saint patron, fête de la naissance de la ville (qui correspond généralement à l’octroi d’une charte)…
B) Des lieux de conflits politiques
Les villes sont le lieux de conflits politiques, la plupart du temps pacifiques entre différents pouvoirs. Deux phases aux contours flous :
=> Un long XIe siècle au cours duquel les premiers signes d’un gouvernement urbains sont visibles (prud’hommes, cives).
=> Puis à partir de la 2e moitié du XIIe on constate l’existence croissante de chartes de franchises reconnaissant la commune ou accordant des libertés à la communauté urbaine et entérinant donc son existence.
Ces franchises ou libertés sont des droits accordés aux citadins (→ les propriétaires seulement pas les plus pauvres et immigrants) :
=> libertés économiques (circulations de marchandises, réductions de prélèvement seigneuriaux) qui aident la croissance;
=> autonomie laissée à la commune pour l’exercice de certaines fonctions : fonction de gouvernement, ou de justice.
La commune exerce parfois aussi une domination sur son arrière pays.
Mais les conflits politiques à l’intérieur de la ville, entre les différents pouvoirs (comte, évêque, monastères, commune, et parfois même un mouvement populaire) pour le contrôle de l’espace public existent pendant toute la période.
Le phénomène communal est par ailleurs très inégalement abouti selon les régions :
=> Très développé en Italie du Nord et du Centre, les franchises aboutissent à une quasi indépendance des villes dirigées par de riches familles. Ces villes (Venise, Florence, Gênes) s’affrontent dans des guerres incessantes à partir du XIIIème siècle.
=> Ailleurs, les franchises accordées par les seigneurs en Flandres ou les souverains (France, Angleterre) aboutissent à la mise en place d’institutions communales complexe et à une autonomie limitée dans le gouvernement des villes.
Ces franchises s’acquièrent le plus souvent de manière pacifique (Bourges en 1181) mais aussi parfois de manière violente (Laon, 1111 : où l’évêque est tué à la suite d’un refus des habitants de subir un nouveau péage).
Lorsque leur pouvoir se renforce, les seigneurs sont parfois moins enclins à s’accommoder du développement d’un pouvoir communal (Exemple des rois capétiens brisant tentatives de communes : Orléans en 1137, Poitiers 1138, Sens 1146 ; puis reprise en main plus générale au 13e siècle)
Conclusion
L’émergence des villes au Moyen-Age entraine la naissance d’une société urbaine dont les comportements et les représentations se différencient de plus en plus de ceux des populations rurales. Les villes sont porteuses d’initiatives qui transforment le monde médiéval.