TH6 – La Chine depuis 1949

Rappels…

En 221 Av.J-.C., les Qin fondent le premier empire chinois. Ils codifient l’alphabet et construisent la première muraille de Chine pour se protéger des nomades du nord.

En 206 Av.J-.C., les Qin sont supplantés par les Han qui donneront leur nom à la principale ethnie du pays. Le pays est dirigé par une administration nombreuse dont les membres (les mandarins) sont recrutés par des concours dont le programme n’a pas varié depuis des siècles.

L’idéologie de l’empire est le confucianisme qui prône le contrôle de soi et le respect de l’ordre établi.

Au cours des siècles passés, la Chine a connu un niveau de développement comparable et même souvent supérieur à celui de l’Occident. Par exemple, sa part dans le PIB mondial a oscillé entre 1/4 et 1/3 du début de notre ère jusqu’au début du XIXe siècle. Elle a atteint l’apogée de sa puissance au cours du XVIIe siècle, sous la dynastie mandchoue des Qing, quand elle a acquis une vaste sphère d’influence en Asie centrale, en Asie du sud-est, en Corée. Cependant au cours du XVIIIe siècle, la rapide croissance de la population, la sclérose politique et sociale, le repli du pays sur lui-même ont nuit à son développement.

La Chine n’a pas connu de révolution scientifique, industrielle, ni de modernisation de l’Etat et de son armée. Les occidentaux, et en particulier les Anglais, qui réclamaient une plus grande ouverture de la Chine à leur commerce, et à leur opium, intervinrent brutalement lors des guerres de l’opium (en 1842 puis à nouveau en 1858-1860) et obtinrent des traités très favorables, les « traités inégaux » qui perdurèrent jusqu’en 1943 : la Chine ouvrait des ports, appliquait des tarifs douaniers modérés, reconnaissait un statut d’extraterritorialité à certaines concessions, placées sous l’autorité de consuls étrangers, et cédait certains territoires à bail (Hong-Kong)

La défaite face au Japon, en 1895, qui s’emparait de la Corée, de Formose (Taïwan) et d’autres territoires chinois était vécue comme une terrible humiliation et l’annonce de la « ruée » des étrangers pour dépecer le pays (« breakup of China » – dislocation – en Chinois « partage du melon ») : Allemands, Français, Anglais, Russes, s’emparaient de portions de l’empire, se faisaient concéder la construction de chemins de fers, l’exploitation de mines, le prélèvement des impôts. Le gouvernement impérial est très affaibli et en 1911 une rébellion militaire déclenche un mouvement de sécession des provinces et à la proclamation, par Sun Yat-sen d’un gouvernement provisoire républicain. Le dernier empereur, Puyi, abdique en 1912

La Première Guerre mondiale va servir les intérêts chinois. La tutelle étrangère se réduit. Les entreprises européennes délaissent le marché chinois. Une industrie nationale se développe sous la direction d’une bourgeoisie nationaliste qui demande la fin des traités inégaux et un État fort sur le modèle occidental. Le Japon, allié de l’Entente (France, Royaume-Uni) a profité de la guerre pour occuper le Shandong. Le gouvernement chinois entre en guerre en 1917 aux côtés des Alliés pour faire valoir ses droits et trouver des appuis contre le dangereux voisin japonais qui veut obtenir toujours plus d’avantages (les « 21 demandes »).

Mais, lors de la conférence de la Paix, le Shandong est confié au Japon. Cette décision provoque la colère de la jeunesse chinoise et le « mouvement patriotique du 4 Mai 1919« . Dans toutes les villes, les jeunes organisent des manifestations. Ils rejettent les traditions ancestrales (abandon du confucianisme) et appellent à une occidentalisation rapide du pays. Devant l’ampleur de la révolte, le mouvement obtient la démission du gouvernement, le refus de la Chine de signer le traité de Versailles le 28 juin 1919. En 1922 le Japon restituera le Shandong sous pression des États-Unis. Le mouvement du 4 mai 1919 est donc un tournant important. Cette année est considérée par les historiens chinois comme celle du passage de la période moderne à l’époque contemporaine.

Sun Yat-sen fonde une nouvelle fois son parti, le Guomindang, le 8 juillet 1920. Son programme repose sur 3 principes :

  • Le nationalisme

  • La démocratie : une démocratie présidentielle de type américain est l’objectif à atteindre, mais pour cela il faudra passer par une phase de dictature militaire et de parti unique

  • Le bien-être du peuple (une sorte de socialisme accompagné de plans de développement industriel grandioses)

Les animateurs du mouvement du 4 mai (Chen Duxiu) sont en contact avec le Komintern et fondent en juillet 1921 le parti communiste chinois (PCC), dans la concession française de Shanghai ; ils lancent parallèlement un syndicat révolutionnaire. Moscou ayant choisi une tactique de coopération des mouvements nationalistes bourgeois et des partis communistes dans les pays colonisés ou dominés, le PCC et le Guomindang s’unissent en 1923. Les forces sont déséquilibrées : quelques centaines de communistes face à 50 000 nationalistes.

A la mort de Sun Yat-Sen en 1925 c’est Tchang Kaï-Chek (dit aussi Jiang Jieshi) qui prend la tête du Guomindang (GMD). Il devient alors commandeur en chef de l’Armée nationale révolutionnaire. Ayant épuré le parti nationaliste de l’aile gauche (communistes), Tchang Kai-Chek prend le contrôle des forces armées du Guomindang, et lance en juillet 1926 l’expédition du Nord contre les seigneurs de la guerre qui contrôlent toujours la plus grande partie du pays.

Inquiet de la force des communistes, Tchang conclut des accords avec les Occidentaux présents notamment à Shanghai (qui garantissent leur neutralité), les milieux d’affaires chinois (qui lui promettent un soutien financier) et avec la Bande verte, une société secrète criminelle (qui infiltre les milieux ouvriers et fournit des renseignements à Tchang).

Le 12 avril 1927, la Bande verte lance une attaque généralisée contre les communistes de Shanghai qui fera des milliers de morts parmi les dirigeants et les ouvriers. C’est le début de la guerre civile entre nationalistes et communistes (dirigés désormais par Mao Zédong). Tchang Kai-chek lance 5 campagnes militaires pour écraser les communistes. Ces derniers fuient vers les montagnes et parcourent 12 000 km le plus souvent à pied : c’est la « Longue Marche« .

Mao a perdu l’essentiel de ses troupes mais la Seconde Guerre mondiale va servir ses projets.

En 1931, le Japon profite des désordres en Chine pour occuper la Mandchourie qu’il transforme en un empire, le « Mandchoukouo », dirigé par le dernier empereur chinois Pou-Yi. Puis, à partir de 1937, Tokyo se lance dans la conquête systématique de la Chine littorale. Les troupes japonaises se livrent à de terribles violences sur les populations civiles. Elles massacrent en 1937 des dizaines de milliers de personnes à Nankin.

Le pays était dorénavant divisé en trois zones :

La Chine occupée à l’est (la Chine utile) avec des gouvernements collaborateurs séduits par le discours pan-asiatique des Japonais. En fait cette partie du pays est exploitée par les Japonais dans le cadre de leur « sphère de coprospérité ».

◦ La Chine libre au sud-ouest. Le gouvernement de Jiang s’est réfugié à Chongqing, et pratique une stratégie attentiste tout en percevant une aide américaine. La corrup- tion est généralisée et touche l’entourage de Jiang, alors que les paysans sont frappés de taxes et de corvées et la famine (2 à 3 millions de morts). L’armée est mal commandée, ravitaillée et soignée et alors que 16 millions de conscrits sont recrutés, les pertes sont de 4 millions et les désertions de 8 millions.

◦ La Chine rouge : le nord, autour de Yan’an. Mao lutte contre les Japonais et mène aussi un combat politique en éliminant ses concurrents, en diffusant sa pensée, une sinisation du marxisme prônant une révolution paysanne en satisfaisant des revendications comme la diminution des fermages et des impôts, et une réforme agraire. Les communistes élargissent leurs bases à partir de 1943 en profitant du recul japonais. En 1945 ils contrôlent un territoire peuplé de 100 millions d’habitants, ont une force armée de plusieurs millions d’hommes.

=> Chiang Kai-Shek est contraint de cesser le combat contre Mao et de s’allier avec lui contre l’envahisseur.

La Chine, qui reçoit une importante aide militaire de la part des alliés mène une résistance farouche contre les Japonais. Elle est admise au sein des Alliés. Les communistes et les nationalistes libèrent seuls une grande partie du territoire. Le GMD signe avec les Alliés l’acte de capitulation du Japon le 2 Septembre 1945. La Chine devient membre permanent du Conseil de l’ONU avec un droit de veto (Guonmindang). Elle obtient la fin des concessions étrangères (sauf Hong- Kong et Macao).

La guerre civile reprend entre les deux frères ennemis. Le régime de Chiang Kai-Shek est miné par la corruption tandis que les communistes de Mao font figure de patriotes en raison de leurs victoires sur les Japonais. Ils ont le soutien des paysans car dans les zones qu’ils occupent, ils ont procédé à des réformes agraires. Malgré l’aide militaire des États-Unis, Tchang Kai-chek est vaincu et il se réfugie à Taïwan. reste le chef d’une autre république de Chine qui est armée et protégée par les États-Unis et qui occupe le siège de la Chine au Conseil de sécurité.

Mao proclame le 1er Octobre 1949 la naissance de la République Populaire de Chine (RPC).

La Chine depuis 1949

En 1949, les communistes chinois dirigés par Mao prennent définitivement le pouvoir en Chine continentale. La tâche du nouveau pouvoir est immense. En raison de la longue guerre civile et de l’agression japonaise, l’économie est exsangue alors que la croissance démographique demeure forte. D’autre part, avec la guerre froide, l’Asie se divise en deux blocs. À l’extérieur, la politique de Mao consiste à rétablir la puissance de la Chine en Asie. A l’intérieur, il tente (avec beaucoup moins de succès) de construire une économie et une société socialistes.

Après sa mort, ses successeurs font le choix du capitalisme en économie tout en conservant le monopole du pouvoir. La Chine se développe alors de façon spectaculaire et elle devient un pôle de la mondialisation.

Problématique : En quoi les relations entre la Chine et le monde ont-elles permis à celle-ci de devenir une puissance mondiale ?

I – La Chine communiste sous Mao : un État totalitaire à la puissance limitée (1949 – 1976)

A – La Chine adepte du modèle soviétique (1949-1957)

1 – La mise en place d’une politique économique soviétique
En 1949, la chine ne produit plus que 75% du riz d’avant guerre et sa production industrielle n’est que de 55% de celle de 1936. La priorité du nouveau gouvernement est donc la reconstruction et la révolution. Mao choisit alors de rejoindre le camp soviétique. En 1950 un traité d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle est signé.

En 1950 la famille patriarcale est abolie, les femmes gagnent l’égalité juridique
La terre des grands propriétaires est redistribuée à 300 millions de paysans (45% des terres changent de main)
La terreur rouge fait entre 4 et 6 millions de victimes. Les autorités locales doivent identifier au moins une famille d’ennemis du peuple par village. Le goulag chinois (laogai) est inauguré

A partir de 1953, l’ancrage sur le modèle soviétique se confirme :

  • des plans quinquennaux mis en place
    une constitution sur le modèle soviétique est adoptée
    la collectivisation des terres, qui tardait, est accélérée
    les entreprises industrielles sont nationalisées

2 – Le contrôle intérieur
La République populaire reprend en grande partie le contrôle de l’espace de l’empire chinois : Le Tibet, quasi indépendant depuis 1913, est envahi en 1950 ; la RPC impose un accord qui le place sous souveraineté chinoise en 1951. Le dalaï-lama accepte de jouer un rôle officiel jusqu’en 1959, date à laquelle il s’enfuit en Inde.
L’URSS rend le Xinjiang à la Chine en 1949. En revanche la Chine, à la faible marine, ne peut s’emparer de Taiwan, soutenue par les Américains (traité de défense de 1954).

3 – Une politique extérieure tournée vers l’Asie et « le Tiers-Monde » En octobre 1950 la Chine envoie un million de « volontaires » secourir l’armée nord-coréenne en déroute devant l’intervention de l’ONU. Le général Mac Arthur propose de bombarder les grandes villes chinoises avec l’arme atomique mais il est révoqué par le président Truman en 1951. L’armée chinoise, aux prix de pertes élevées, repousse les Américains et reconquiert la Corée du Nord. Par sa victoire, Mao a refait de la Chine une grande puissance en Asie.

Entre 1946 et 1954, il soutient les communistes vietnamiens (dirigés par Hô Chi Minh) contre la France puis contre les Etats-Unis.

Hong-Kong reste anglais et Tchiang Kai-Shek s’installe solidement à Taïwan grâce au soutien massif des États-Unis. A l’exception du R.U. (pour veut conserver Hong-Kong), tous les pays occidentaux refusent de reconnaître la Chine Populaire et installent leur ambassade à Taïwan. Mao se rapproche du bloc communiste et signe un traité d’amitié avec l’URSS. Il renonce ainsi à récupérer la Mongolie. Les USA qui organisent un embargo contre la Chine, deviennent alors les ennemis principaux ; ils sont dénoncés comme un « tigre de papier ».

Toutefois, sur la scène internationale, la Chine apparaît à différentes occasions, grâce au rôle clé quelle joue pour soutenir les forces communistes dans les grandes crises asiatiques du début de la Guerre froide : guerre de Corée et guerre d’Indochine.

en 1953 elle figure à la table des négociations de l’armistice de Pam Mun Jon.
en 1954, son ministre des affaires étrangères, Zhou Enlai, est un des artisans des accords de Genève qui mettent fin à la guerre d’Indochine.
en 1955 la Chine, pourtant proche de l’URSS, participe à la conférence de Bandung qui rassemble les partisans de non-alignement. Elle se rapproche de l’Inde et apparaît comme un possible chef de file des peuples du tiers-monde luttant pour leur indépendance.

B – La rupture avec l’URSS et les politiques utopiques de Mao (1957 – 1969)

1 – L’éloignement et la rupture

Les relations avec l’URSS se dégradent. Après la mort de Staline, Khrouchtchev dénonce publiquement les crimes du « Petit père des peuples » (1956). Mao refuse la « déstalinisation ». Il refuse aussi la nouvelle politique soviétique de « coexistence pacifique » avec l’Occident.

Staline mort, il se considère comme le seul dépositaire de la pureté révolutionnaire et il devient le leader anti-impérialiste et anti-occidental par excellence. D’autre part, le culte de la personnalité de Mao plus vigoureux que jamais entre en contradiction avec les idées nouvelles de Khrouchtchev.

Mao fait lui-même une critique du modèle soviétique et veut se doter de l’arme nucléaire.

Le grand frère soviétique abroge son traité de coopération nucléaire avec la Chine et rappelle ses experts en 1960. La rupture est officielle en 1962 alors que des incidents de frontière éclatent au Kazakhstan.

Lors de la crise de Cuba, Pékin critique Moscou d’abord pour son aventurisme et à l’issue de la crise pour sa capitulation. La Chine affirme son indépendance en refusant de signer le traité de Moscou de 1963 qui met fin aux essais nucléaires atmosphériques et fait exploser sa première bombe A en 1964.

2 – Les politiques utopiques de Mao Zedong

A partir de 1958, Mao oriente la Chine dans une voie originale, il pense qu’une économie socialiste développée pourra se construire en quelques années par une politique volontariste et que la révolution doit se radicaliser toujours plus en éliminant tous ceux qui sont jugés trop modérés ou attachés à des valeurs culturelles jugées bourgeoises. En organisant un culte de la personnalité autour de lui et un endoctrinement de la population, il lance de grandes mobilisations

  • « Cent Fleurs » et « Grand bond en avant » (1957- 1961)

En février 1957 Mao lance la « campagne des cent fleurs ». Il s’agit de donner une certaine liberté d’expression à la population, tout particulièrement aux intellectuels, pour critiquer le Parti (les mandarins rouge). Si l’objectif officiel est que celui-ci s’améliore, Mao compte bien en profiter pour affaiblir ses adversaires et retrouver un certain ascendant sur ses camarades.

Peu de temps après le lancement de la campagne, la contestation explose. Au mois de Juin 1957 Deng Xiaoping, chef du secrétariat du parti conduit la répression féroce qui fera plusieurs centaines de milliers de victimes, emprisonnées, déportées et parfois exécutées.

En mai 1958 on lance officiellement le « Grand bond en avant ». La population est mobilisée par une propagande poussée jusqu’à l’hystérie. Les Chinois sont regroupés dans 25 000 unités géantes (les communes populaires) où la vie familiale et privée est proscrite. Les repas sont pris en commun dans des cantines collectives, les enfants vivent dans des garderies et les adultes sont regroupés dans des équipes de travail. L’État impose des objectifs de croissance irréalistes et oblige les paysans à fabriquer de l’acier. Les paysans doivent délaisser les cultures et alimenter nuit et jour des fours traditionnels.

La récolte 1958 est bonne, et on envisage le passage au communisme pour un avenir très proche. Mais le « Grand bond en avant » tourne à la catastrophe car les paysans ne peuvent pas travailler à leurs récoltes qui pourrissent sur pied. Le parti n’ose critiquer Mao qui poursuit cette politique alors même que les responsables du parti se rendent compte du désastre et de l’effondrement de la production (200 millions de tonnes de céréales en 1958 ; 148 en 1961) : entre 18 et 23 millions d’entre eux (pour 650 millions d’habitants) meurent de faim entre 1959 et 1961 (« les Trois années noires ») Liu Shaoqi, numéro 2 du régime, met fin à cette politique et remplace Mao à la présidence de la République et lance, avec Deng Xiaoping, une redistribution des terres collectives aux familles qui s’engagent à livrer une partie de la récolte à l’Etat et peuvent disposer du reste.

C’est la « Nouvelle Economie Politique chinoise« . La vie familiale est à nouveau autorisée.

  • La « révolution culturelle » (1966 – 1969)

Pour reconquérir le pouvoir et éliminer ses opposants Mao lance la « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne ». L’armée distribue le « Petit livre rouge », des citations de Mao qui doivent servir de catéchisme à tous les Chinois.

En 1966, à l’université de Pékin, des dazibao, « affiches en gros caractères », dénoncent les « révisionnistes » qui sont attaqués par des groupes d’étudiants maoïstes, c’est le véritable début de la révolution culturelle qui va durer 3 ans, jusqu’en 1969. On livre à la jeunesse déchainée des Gardes rouges les « cadres engagés dans la voie de la restauration du capitalisme, les Khrouchtchev chinois et leurs complices », on détruit les vieilleries car « toute rébellion est juste », de nombreux professeurs sont battus à mort.

Liu Shaoqi meurt de privations en prison et Deng Xiao-Ping est envoyé dans un camp de « rééducation ». Les ouvriers et les étudiants finissent par se battre en eux si bien qu’en 1969, Mao fait alors intervenir l’armée pour rétablir l’ordre. La Révolution culturelle se termine. 14 millions d’étudiants sont alors envoyés en camp de rééducation politique pour travailler dans les campagnes et l’armée reprend le contrôle.

C°) Volte face diplomatique (1969 – 1976)

 

Mao a un certain prestige auprès de jeunes révolutionnaires occidentaux (« maoïstes » de mai 1968 en France par exemple), la France de de Gaulle, qui affirme son indépendance par rapport aux deux Grands reconnait la RPC en 1964 suivi par les autres États occidentaux. Une seule démocratie populaire s’est ralliée à la Chine : l’Albanie.

La Chine a deux ennemis principaux en Asie : l’URSS et l’Inde, ce qui la conduit à se rapprocher du Pakistan, s’éloigner de la République démocratique du Vietnam (proche de l’URSS).

Alors qu’en 1967 les Etats-Unis encourageaient les pays d’Asie du sud-est à former l’Asean pour contrer le communisme, les États-Unis vont maintenant chercher à affaiblir l’URSS en se rapprochant de la Chine :

– en 1971 l’équipe de Ping-pong des Etats-Unis accepte une invitation en Chine, et la même année Kissinger se rend secrètement dans le pays pour préparer une visite de Nixon,
– les USA lèvent leur véto à l’entrée de la RPC à l’ONU qui occupe le siège de la Chine au conseil de sécurité En 1971, Taïwan quitte le Conseil de sécurité de l’ONU et laisse son siège à Pékin ce que n’avaient pas prévu les dirigeants américains
– Nixon vient à Pékin rencontrer Mao en février 1972.

En 1974 Deng Xiao Ping développe la théorie des Trois mondes qui régiraient l’ordre géopolitique mondial :

  • Les deux superpuissances à la recherche de l’hégémonie régionale : l’URSS et les États-Unis. Elles représentent une grave menace pour les autres. L’URSS est jugée la plus agressive et la plus dangereuse.
  • Les autres pays développés : ils sont liés aux super-puissances par un rapport de dépendance, mais essayent de lutter contre elles.
  • Les pays en voie de développement et la Chine : ils ont des intérêts communs reposant sur la lutte contre l’hégémonie du premier monde.

 

  • Les dernières années de Mao

Pendant la révolution culturelle, la situation du pays s’est dégradée : la production a baissé (85% de celle de 1965), les recettes de l’Etat se sont effondrées, la société est déstabilisée (délinquance, absentéisme au travail)

Le PCC est divisé entre les pragmatiques (Zhou Enlai, Premier ministre, Deng Xiaoping) et les idéologues, soutenus par Mao : la « Bande des Quatre » proches de sa femme Jiang Qing. Après la mort de Zhou Enlai, en janvier 1976, c’est le ministre de l’intérieur, Hua Guofeng, qui n’est d’aucun des deux clans, qui est choisi par Mao pour lui succéder et qui devient Premier ministre.

Deng est destitué de ses fonctions dans le parti et l’armée.

  • La succession de Mao

Mao Zedong, meurt le 9 septembre 1976. Sa veuve et la « bande des quatre » sont arrêtés par Hua Guofeng. Celui-ci se veut l’héritier du Grand Timonier dont il fait construire le mausolée place Tian’anmen. Il a un programme qui s’inspire du volontarisme maoïste, mais, sous pression de dirigeants militaires qui l’ont aidé à éliminer la Bande des Quatre, il doit accepter le retour au pouvoir de Deng en 1977.

II – Fuqiang : la richesse (fu) et la force (qiang) – Réformes économiques et ouverture internationale (1978-1992)

A – Les réformes modernisatrices et l’ ouverture internationale

1 – 4 modernisations
Deng place ses proches aux postes clés (Zhao Ziyang, Premier ministre, Hu Yaobang Secrétaire général du PCC). Son programme tient d’abord dans les Quatre Modernisations qui sont mises en œuvre en 1978-79.

  • agriculture: La priorité est accordée à l’agriculture : les communes populaires sont démantelées, les paysans peuvent exploiter individuellement une partie des terres et en vendre le produit sur les marchés, choisir leur production. La croissance est très nette.
  • industrie: Dans l’industrie, la planification devient indicative pour les entreprises privées, de petite taille, qui peuvent rechercher le profit. Certaines entreprises d’Etat obtiennent le droit de former des joint-ventures avec des entreprises étrangères et 4 ZES (zones économiques spéciales, zones franches d’exportation – 1980) sont inaugurées pour gagner des devises et des transferts de technologie ; plus tard ce furent 14 villes côtières, puis 3 régions littorales ; en 1988 toutes les villes du littoral sont ouvertes puis en 1990 les villes des régions frontalières (Russie, Asie centrale, Birmanie, Vietnam)
  • sciences et recherche
  • défense  : La 4e modernisation, celle qui concerne le domaine militaire, est de moindre priorité, car il ne faut pas effrayer les partenaires, avancer discrètement.

La politique de l’enfant unique est inaugurée pour permettre l’élévation du niveau de vie.

2 – Ouverture internationale
Les relations avec l’occident s’améliorent et des relations diplomatiques sont établies avec les États-Unis en 1979, des accords commerciaux, de coopération et culturels sont signés. Deng se rend en voyage officiel aux Etats-Unis (1979)

En 1984 un accord sur la rétrocession de Hong Kong est signé avec le R-U pour entrer en vigueur en 1997 : « un pays, deux systèmes »

B– Le mouvement de la place Tian’anmen (1989)

Au milieu des années 1980, les réformes atteignent leurs limites (dégradation de la situation des campagnes qui manquent de capitaux et où le statut encore collectif des terres décourage l’investissement, système irrationnel des prix industriels qui génère de la corruption)

Zhao Ziyang et Hu Yaobang proposent d’intensifier les réformes (libéraliser les prix, diminuer la planification), et soutiennent une évolution vers la démocratie critiquant la politique chinoise au Tibet, d’autres proposent un renforcement du contrôle de l’Etat. En 1987, Hu Yaobang est limogé. C’est l’option autoritaire qui semble l’emporter en 1989, alors que Gorbatchev mène la Glasnost et la Perestroïka en URSS et en Europe de l’est.

La mort de Hu Yaobang, le 15 avril 1989, déclenche un mouvement de protestation démocratique des étudiants de Pékin qui se répand dans tout le pays. Gorbatchev, en visite officielle en Chine est détourné des lieux des manifestations mais la presse internationale rend compte des événements. 1000 étudiants commencent une grève de la faim sur la place Tien’anmen.

Le 20 mai, Deng Xiaoping fait proclamer la loi martiale, des chars entourent Pékin mais la foule les empêche de pénétrer dans la ville. Les étudiants érigent une statue de la liberté sur la place, mais dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 les chars pénètrent dans la ville et massacrent les protestataires, faisant vraisemblablement plusieurs milliers de victimes.

Le secrétaire général du PCC Zhao Zhiang qui refuse d’utiliser la force est limogé par Deng Xio-Ping et le 4 juin 1989, l’armée massacre plusieurs milliers d’étudiants. Ce massacre filmé par les télévisions étrangères porte un coup important à l’image de la Chine. L’ONU décrète un embargo sur les ventes d’armes à destination de la Chine

C°) – Poursuivre les réformes et « fuir la lumière » (1989-1992)

Deng veut que la Chine poursuive son avancée sur la voie du développement économique, par des réformes de longue durée, et dans la stabilité politique, sous le contrôle du parti. Sa succession est réglée entre 1990 et 1993 au profit de Jiang Zhemin qui poursuit sur la même voie et fait adopter par le parti le principe de « l’économie socialiste de marché » en 1992.

Le « petit timonier » meurt en 1997.

Les réformes appliquées aux ZES sont accordées à toutes les régions qui les demandent, les prix sont libérés, un système bancaire moderne est mis en place, les privatisations d’entreprises d’État se multiplient et les entrepreneurs accueillis dans le parti (2001).Ce sont des années de croissance record : 14% en 1993.

Le niveau de vie augmente nettement et une classe moyenne d’une centaine de millions de personnes fait son apparition s’ouvre aux influences étrangères, d’abord celle des Chinois de la diaspora, et au mode de vie à l’occidentale (loisirs – 2 week-end de repos par mois – karaoké, tourisme, nouvelles habitudes alimentaires, etc.)

Dans le reste du pays le progrès n’avait pas atteint tous les villages dont 25% restaient inaccessibles faute de routes, et 80 millions de paysans vivaient sous le seuil de pau- vreté, recherchant à émigrer vers les villes.

Retrouver une légitimité internationale

Après la répression de Tian’anmen, l’isolement sur la scène internationale, l’embargo occidental sur les ventes d’armes, la baisse des investissements étrangers et du tourisme, poussent Deng à renouveler sa recommandation de faire profil bas « en fuyant la lumière et en recherchant l’obscurité ».

La Chine se montre conciliante envers les Etats occidentaux et ses voisins : pas de véto pendant la 1ère guerre du Golfe, accord de reconnaissance des frontières avec la Russie, ratification du traité de non-prolifération en 1992, participation aux forums de l’Asean à partir de 1993.

Cependant elle reste intransigeante sur certains principes : la non-ingérence dans ses affaires intérieures et l’affirmation de sa souveraineté sur Taiwan (refus de toute indépendance et droit de recours à la force armée pour rétablir sa souveraineté sur l’ ile)

III – Relance et approfondissement des réformes

A°) L’émergence économique chinoise (1993- 2002)

Une stratégie de « grand pays »
Après le départ de Deng, en 1992, ses successeurs (Jiang Zemin) adoptent une « stratégie de grand pays » Les ambitions diplomatiques de la Chine en Asie s’affirment et elle renoue des relations avec ses voisins : Inde, nouvelles républiques d’Asie centrale, Russie qui lui vend des armes et avec laquelle elle met au point le groupe de Shanghai en 1996 (qui est devenue depuis l’organisation de coopération de Shanghai, une stratégie de quasi alliance, en 2001). A l’approche du nouveau millénaire le miracle économique se poursuit (croissance de +10% par an en moyenne entre 1995 et 2005).

Le pays entre dans la mondialisation de manière fracassante :
la Chine intègre l’OMC, (2001). Pékin est choisie pour accueillir les JO de 2008 et en 2002 Shanghai l’est pour accueillir l’exposition universelle de 2010.

Le pays passe de la 6e puissance mondiale en 2000 à la 2e en 2010, devient le 1erexportateur mondial (2009) et 2nd importateur, forme plus de 800 000 ingénieurs par an et développe des hautes technologies (Taïkonaute en 2003, centrales nucléaires, TGV)

Hu Jintao et la « société harmonieuse »
En 2002 Hu Jintao, qui doit son ascension à Deng (et à Zhao Ziyang), devient Secré- taire général du PCC, puis président de la République en 2003 (réélu en 2008 pour 5 ans) ; considérant que la stratégie agressive s’avère contreproductive en terme d’image, il décide d’un nouveau tournant tactique : il s’agit de développer une « société harmonieuse dans un monde harmonieux ».

B°) Une politique extérieure contrastée

L’atelier du monde a les moyens d’avoir de grandes ambitions internationales traduites par le slogan de « montée pacifique » (2003) :

  • Maitriser les étendues occidentales de son territoire en le sinisant (Xinjiang, Tibet) et contrôler ses abords maritimes (litiges avec les Corées, le Japon, les Philip- pines, le Vietnam à propos des iles Spratleys ou Paracels)

  • Recouvrer Taiwan : proposition d’une réunification sur le modèle hongkongais : « un pays deux systèmes », ce que refusent les Taiwanais. Les économies sont très liées et personne n’a intérêt à une guerre.

  • Entretenir de bonnes relations avec les États-Unis, l’Europe et le Japon avec les- quels l’interdépendance commerciale et financière s’est approfondie mais des points de tensions demeurent (excédent commercial et sous évaluation du Yuan, droits de l’homme, Tibet, Taiwan, Iran). L’embargo sur les armes n’est pas levé.

  • Recherche de stabilité dans la relation sino-américaine car la Chine a besoin du marché américain et place ses réserves en bons du trésor US. Les Etats-Unis ont une supériorité militaire écrasante dans la région Asie-Pacifique, qu’ils consi- dèrent comme leur première priorité pour le XXIe siècle. Ils encerclent toujours la Chine par leurs bases et leurs alliances (Japon, Corée du sud, Taiwan, Thaï- lande, Singapour, Philippines, Inde, Pakistan, Afghanistan, Kirghizstan, Ouzbé- kistan

L’Europe est considérée de manière plus arrogante : cf. réaction chinoise contre les critiques françaises lors des JO de Pékin ; elle profite de la crise pour s’implanter dans des pays périphériques européens : Grèce – rachat du terminal 2 du port du Pirée – Serbie, Bulgarie, mais aussi dans le cœur économique du vieux continent (700 entreprises chinoises en Allemagne emploient 7 000 salariés, une centaine en France)

Avec le Japon des contentieux historiques et territoriaux demeurent mais les économies sont étroitement imbriquées (10 millions de Chinois travaillent dans des usines japonaises)

Développer sa coopération avec les principaux émergents et les puissances régionales :

  • Russie (parvenir à établir un condominium sur l’Asie centrale)

  • Réconciliation avec l’Inde (1ersommet des BRIC en 2009) mais réel contentieux à propos du dalaï-lama

  • Liens privilégiés avec des puissances régionales du Moyen-Orient, d’Afrique ou d’Amérique latine (Iran, Egypte, Afrique du sud, Nigéria, Soudan, Angola, Brésil, Mexique, Argentine, Venezuela, Chili).

La Chine y investit sous forme de prêts qui servent à faire construire des infra- structures par des entreprises chinoises et à consolider ses approvisionnements (acquisition de mines, des exploitations pétrolières et des terres)

De nouveaux instruments de puissance

Les vecteurs de cette puissance chinoise sont avant tout les investissements, le commerce mais des évolutions sont en cours :

  • A partir de 2004, se rendant compte que l’influence économique ne suffit pas, (parex. en Afrique, encore très tournée vers l’Occident) développent une stratégie de soft power : instituts Confucius (250 en 2007, en 1 000 en 2020), radios et télévisions internationales.

  • La modernisation de l’armée chinoise est très nette depuis 1992. Son budget a doublé entre 2000 et 2005 et devait encore doubler d’ici 2015. Estimé à $ 120 milliards (1/2 de celui des USA) il est le second au monde, et la Chine se dote d’une flotte de haute mer, d’une flotte aérienne, de missiles et de toutes les dernières technologies. se montrent capables de défendre leurs intérêts à l’étranger (elle en a, ce qui est aussi une nouveauté)

  • 1er porte avion nucléaire (aout 2012)

La Chine conquiert des marchés (les produits chinois sont largement vendus en Afrique, en Europe) et investit à l’étranger, surtout dans les pays en développement, notamment en Afrique où la présence chinoise est un fait nouveau (chantiers de construction, barrages, pétrole). Ces marchés sont parfois complétés par du land grabbing :

C°) les failles d’une puissance avant tout régionale

La puissance chinoise effraye aujourd’hui elle est accusée d’être un paradis pour la contrefaçon et de la corruption, d’être un concurrent déloyal et d’être à l’origine de la désindustrialisation des pays développés, qui pourtant à bien d’autres causes. On la soupçonne de vouloir bâtir un duopole avec les Etats-Unis, voire de préparer son hégémonie.

Si le monopole de l’Occident est incontestablement terminé, il ne faut pas négliger certaines faiblesses de la nouvelle puissance asiatique :
• son vieillissement : la Chine risque d’être vieille avant d’être riche. Le problème des retraites est épineux (moins d’ 1/4 des ruraux et des mingongs sont couverts contre 90%des citadins)
• la contestation sociale qui se développe et risque de s’amplifier avec les difficulté économiques (ralentissement de la croissance à 7,5% en 2012) ; le pays n’est pas à l’abri de nouvelles phases d’instabilité. La Chine est devenue un des pays les plus inégalitaires du monde (son indice de Gini presque aussi élevé qu’au Brésil). JO 2008 +Les chiffres officiels font état de 200 000 « incidents de masse » (émeutes) en 2010 ayant fait  dizaines de morts ! Artiste Ai Weiwei opposant

• La situation de certaines minorités, qui sont les plus pauvres du pays (Ouighours, Tibétains) recèle un fort potentiel de contestation (émeutes de Lhassa en 2008, d’Urumqi en 2009)

• son soft power est encore très modeste : son modèle politico-économique (le consen- sus de Pékin), soit un État-parti autoritaire et une économie libérale, n’est pas expor- table et peut-être pas viable en période de crise du monde développé. Le laogaï existe toujours et les exécutions capitales sont très courantes (4 000 en 2011 ?).

• Sa croissance a un fort impact en terme de dégradation de l’environnement : consommation d’énergie trop élevée (son industrie consomme, pour les mêmes fabri- cations, 50% de plus qu’en Europe) elle est le 1er émetteur de GES, la pollution et la gestion de l’eau son calamiteux, pollution de l’air très grave, la déforestation se poursuit et la gestion des déchets anarchique.

Xi Jinping, nouveau secrétaire général du PCC en novembre 2012 a instauré un retour aux valeurs nationalistes et conservatrices mettant la presse en coupe réglée.


Donald Trump et Xi Jinping, un choc de personnalités

En rencontrant son homologue chinois, jeudi 6 avril en Floride, Donald Trump avait l’avantage du terrain, son club de luxe de Mar-a-Lago, mais pas celui de l’expérience. Xi Jinping dirige la Chine depuis quatre ans, après avoir pris la direction du Parti communiste chinois au terme d’un processus autrement plus exigeant qu’une saison de primaires républicaines américaines.

Le président chinois est aussi réputé pour sa maîtrise des dossiers, alors que M. Trump est souvent décrit comme versatile. Le président américain a d’ailleurs frappé ses premiers visiteurs étrangers, selon des informations convergentes recueillies auprès de sources diplomatiques souhaitant conserver l’anonymat, par son peu d’intérêt pour les détails, et par une connaissance encore très partielle des outils de la politique étrangère.

Imprévisibilité revendiquée

La rencontre de Mar-a-Lago, qui devait se poursuivre toute la journée de vendredi, va également constituer un choc de cultures politiques. Le président américain a bâti une réputation controversée en publiant à tout va ses réflexions sur les réseaux sociaux, manifestement sans consulter son entourage et au mépris des usages diplomatiques. L’agence de presse officielle chinoise Xinhua s’en était émue début janvier, déplorant publiquement « l’obsession de la diplomatie Twitter » du président élu, qui revendique la flexibilité et l’imprévisibilité.

Au contraire, les dirigeants de Chine communiste s’en tiennent ordinairement à une partition réglée d’avance, ne parlent jamais à la presse et utilisent encore moins les réseaux sociaux. Alors que son successeur, Hu Jintao, était parfois qualifié de robot pour sa raideur, Xi Jinping projette l’image d’un dirigeant bonhomme et maître de lui, accompagné en outre d’une épouse charismatique, la cantatrice Peng Liyuan. Mais il a toujours évité de donner la moindre prise à la spontanéité.

Les présidents chinois et américain ont toutefois quelques points communs. A son arrivée au pouvoir, en 2013, Xi Jinping a fait largement bouger les lignes en faveur d’un agenda conservateur et nationaliste, tout comme M. Trump. Dans le cas chinois, il a été cependant pensé pour donner au pays une place prééminente dans les affaires du monde, alors que le président américain a défendu au contraire une vision presque néo-isolationniste, centrée sur la défense exclusive des intérêts américains.

Aristocratie rouge

M. Xi est une figure de l’aristocratie rouge, comme M. Trump appartient lui à une aristocratie capitalistique. Le président chinois s’est servi du thème de la lutte contre la corruption pour asseoir son pouvoir et écarter les rivaux potentiels. Son homologue américain s’est engagé lui dans une mission anti-establishment, en promettant notamment de « nettoyer le marigot » qu’est, selon lui, la capitale fédérale, jugée prisonnière de lobbys adossés à la politique.

Il n’est jusqu’au rapport avec les faits qui relie les deux hommes : l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping s’est traduite par une mise en coupe réglée de la presse chinoise dite libérale, celle qui se rapprochait le plus d’un journalisme professionnel à l’occidentale. Et par une censure sans précédent depuis le maoïsme de tout contenu contraire à l’histoire sublimée du Parti communiste. Bref, tout ce dont M. Trump, qui a évoqué à plusieurs reprises l’idée de faciliter les poursuites contre la presse, doit parfois rêver contre ceux qu’il désigne comme « l’ennemi du peuple » et « le parti de l’opposition ».

En l’espace de quatre ans, M. Xi a largement réussi à consolider son pouvoir, placer ses hommes, et faire taire les critiques. M. Trump a rencontré dès ses premières semaines d’investiture de solides résistances, y compris au sein de son propre parti. Le président chinois peut en outre s’appuyer sur une population à l’orgueil chatouilleux quand il s’agit de l’honneur de la Chine.

Un sondage du Pew Research Center, publié le 4 avril, a mis en évidence une opinion publique américaine sur une autre longueur d’onde que M. Trump sur la Chine. En dépit des attaques parfois virulentes de ce dernier contre Pékin, l’image de ce pays s’est considérablement améliorée en l’espace d’une année aux Etats-Unis selon cette enquête. Une forte majorité (55 %) avait une image négative de la Chine en 2016. Elle n’était plus que de 47 % en mars. Dans le même temps, les avis favorables sur le pays sont passés de 37 % à 44 %.

LE MONDE | 06.04.2017 à 18h45 • Mis à jour le 07.04.2017 à 11h05 | Par Gilles Paris (Washington, correspondant) et Brice Pedroletti (Pékin, correspondant)

 

Plan détaillé

I – La Chine communiste sous Mao : un État totalitaire à la puissance limitée (1949 – 1976)

A°) La Chine adepte du modèle soviétique (1949-1957)

B°) La rupture avec l’URSS et les politiques utopiques de Mao (1957 – 1969)

C°) Volte face diplomatique (1969 – 1976)

II – Réformes économiques et ouverture internationale (1978-1992)

A°) Les réformes modernisatrices et l’ ouverture internationale

B°) Le mouvement de la place Tian’anmen (1989)

C°) Poursuivre les réformes et retrouver une légitimité internationale (1989-1992)

III – Forces et faiblesse d’une puissance régionale aux ambitions mondiales ? (1992-…)

A°) L’émergence économique chinoise

B°) Une politique extérieure contrastée

C°) Les failles d’une puissance d’abord régionale

Chronologie

La période maoïste (1949-1976)

Politique intérieure

1950 : Elimination des grands propriétaires et redistribution des terres

1958-61 : Période du « Grand Bond en Avant« 

1961-64 : Deng Xiao-Ping lance la « NEP chinoise« 

1966-69 : Mao lance la « Révolution culturelle » pour reprendre le pouvoir

1976 : Mort de Mao et de Zhou Enlai (Premier ministre)

Politique étrangère

1950 : Traité d’amitié sino-soviétique

1950-53 : La Chine intervient dans la guerre de Corée

1960 : Rupture entre la Chine et l’URSS

1971 : Rapprochement sino-américain – La Chine Populaire remplace Taïwan à l’ONU

1972 : Visite de Richard Nixon à Pékin

Depuis 1976

1978 : Prise du pouvoir par les réformateurs conduits par Deng Xiao-Ping

1979 : Début des réformes économiques.

1984 : Décollectivisation des campagnes et fin des communes populaires

1989 : Massacre des étudiants sur la place Tienanmen

1997 : La Chine récupère Hong-Kong

2001 : La Chine entre à l’OMC

2008 : Jeux Olympiques de Pékin

2010 : La Chine, deuxième puissance économique du monde

2013 : Arrivée au pouvoir de XI Jinping