TG6 (2) – L’Asie du Sud et de l’Est

De la péninsule indienne au Japon et de l’Indonésie à la Mongolie, l’Asie du Sud et de l’Est est la partie du monde qui a connu, ces dernières décennies, la plus forte croissance économique qui en a fait un pôle majeur de la mondialisation. Son émergence s’appuie sur une population abondante mais encore très largement pauvre.
Problématique : Quelles relations existe-t-il entre démographie, croissance économique et développement dans l’espace le plus peuplé du monde ?

I – Un poids démographique exceptionnel

A – De grands foyers de peuplement (Voir Schéma 1)

L’Asie du sud et de l’Est représente environ 3,8 milliards de personnes soit plus de la moitié de la population mondiale sur environ 20 % des terres émergées

L’Asie du Sud et l’Asie de l’Est se structurent autour de deux grands foyers de peuplement et de civilisation : celui de la Chine et celui de l’Inde (plus d’un milliard de p).

Trois ensembles se distinguent :

  • L’Asie du Sud, correspondant au sous continent indien, marqué par la civilisation indienne, l’hindouisme mais aussi l’islam, qui compte 1,620 milliard d’habitants, principalement en Union Indienne (1,295 milliard), au Pakistan (175 millions) et au Bangladesh (152 millions).
  • L’Asie du Sud-Est, aux confins des influences indiennes, chinoises et malaises dispose de 600 millions d’habitants; les pays les plus peuplés sont l’Indonésie (237 millions), le plus grand pays musulman au monde, les Philippines (92 millions) le Viêt Nam (86 millions) la Thaïlande (67 millions) et la Birmanie (53 millions)
  • L’Asie de l’Est, marqué la civilisation chinoise et sa culture confucianiste, abrite 1,590 milliard d’habitant : 1,375 milliard en Chine, 126 millions au Japon, 50 millions en Corée du Sud.

Des répartitions de population inégales

Des « pleins » (plaines alluviales et deltas + régions urbanisées des littoraux) et des « vides » (régions montagneuses ou forêt équatoriale) et des déserts humains (Mongolie, 3,2 M – Maldives, 0,4 M).
L’explication de cette densité exceptionnelle et de l’existence des masses humaines d’Asie, réside dans l’aménagement de l’espace espace grâce à des techniques d’irrigation maitrisées depuis plusieurs millénaires.

  • Dans les plaines et les deltas, des techniques agricoles élaborées ont permis de cultiver le riz, tout en éliminant les parasites au profit de l’occupation humaine.
  • Sur les collines la riziculture a aussi été pratiquée en terrasse ainsi que la culture de certains arbustes tropicaux (théier, mûrier) de manière à compléter la mise en valeur. La riziculture irriguée, agriculture particulièrement intensive, nécessitait jusqu’à une période récente des masses de travailleurs, pour un travail pénible et minutieux, mais elle permettait de les nourrir grâce à plusieurs récoltes par an (de 2 à 4 en fonction des températures moyennes)

Un espace où la croissance démographique s’est ralentie :

La fécondité y est inférieure à la moyenne mondiale (2.4 contre 2.5). Pour de nombreux pays la transition démographique est achevée (Japon – Chine) ou largement entamée. Mais restent des pays à forte croissance (> à 2,5), avec surtout l’Inde (2,6).
Cependant l’accroissement naturel des populations diffère assez nettement suivant les régions :

  • Il est élevé en Asie du Sud (Indice de Fécondité > 3 enfants par femme au Pakistan et au Bangladesh, 2,6 en Inde) Mais si les chiffres sont encore élevés, le recul est net au cours des 3 dernières décennies : en Inde, le taux d’environ 6 enfants par femme en 1970.
  • Les situations des Etats d’Asie du Sud-Est sont très diverses, mais globalement la transition y est un peu plus avancée qu’en Asie du Sud et l’accroissement naturel plus faible
  • Les Etats d’Asie de l’Est ont terminé leur transition et ont des soldes naturels très légèrement positifs, voire négatifs : (Japon – Chine, Corée du Sud)

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B – Transition démographique et développement

Dans une vision malthusienne, la forte croissance démographique est considérée comme une entrave au développement : plus de bouches à nourrir, plus d’emplois à fournir, plus d’écoles à construire et de maitres à former. Cependant l’abondante population peut aussi être perçue comme un atout pour la croissance économique dans le cadre de la mondialisation :

  • abondance de main d’œuvre peu qualifiée, souvent peu exigeante en terme de salaires et de conditions de travail donc avantage comparatif, compétitivité pour les industries de main d’œuvre.
  • abondance de main d’œuvre qualifiée apte à développer de nouveaux produits : la Chine forme 800000 ingénieurs par an, l’Inde 350 000. Les industries de haute technologie ont bénéficié des transferts de technologie européennes et américaines avec qui elles sont en concurrence
  • Si tous les pays d’Asie ont d’abord fondé leur développement économique sur les exportations, en devenant des pays ateliers, ils se sont ensuite orientés vers la satisfaction de la demande intérieure, de produits de base comme de produits plus élaborés. Les diverses économies ont bénéficié, ou bénéficient actuellement, d’une demande intérieure soutenue au fur et à mesure de l’accès à la société de consommation.

La baisse de la fécondité qui réduit le nombre d’enfants et la forte proportion de personnes en âge d’être actifs, est aujourd’hui un avantage pour la réduction des dépenses et l’augmentation de la production et de la consommation ; cependant cet avantage sera de courte durée et par ailleurs 4 types de problèmes se posent concernant le lien démographie / croissance économique

  • La question de la sécurité alimentaire reste importante même si la situation s’est beaucoup améliorée depuis les années 60-70 avec la révolution verte
  • La surreprésentation des garçons (Inde – Chine) liés aux choix de politiques démographiques (en Chine : enfant unique) ou aux coutumes ;
  • Le vieillissement de la population comme au Japon ou en Chine (pose les problèmes de renouvellement de la population ; de main-d’œuvre – de financement des retraites) ;
  • L’urbanisation galopante (presque 500 villes ont +1 M d’hts) surtout dans les Mégapoles comme Tokyo 37 M ou Shanghai 23 M ou Mumbai 20 M) avec un gigantesque exode rural (le taux urbanisation va passer de 40 à 65 % en 2050) et le gonflement des bidonvilles

II. La croissance économique asiatique

A. Une croissance spectaculaire

En l’espace de 30 ans, la part de l’Asie dans le PIB mondial a grimpé de 10 à plus de 35%. Durant ces dix dernières années, l’Asie émergente a enregistré un taux de croissance annuel supérieur à 7,5%. La Chine est passée en 2015 à la tête du classement par PIB (PPA). En 3ème position derrière les Etats-Unis on trouve l’Inde, puis le Japon. L’Indonésie est à la 9ème place derrière la France, la Corée du Sud en 13 ème position.

  • De nombreuses productions manufacturières dominent l’espace mondial :
    industrie lourde (acier, constructions navales),
    industrie des biens d’équipement et de consommation (automobile,électronique),
    industries de pointe (informatique, télécommunications, biotechnologies, espace)
  • De grands groupes industriels japonais (Toyota, Honda, Sony), coréens (Samsung, Hyundai), chinois (Sinopec, Lenovo, Geely qui a racheté Volvo), et indiens (Reliance, Tata), sont partis à la conquête des marchés mondiaux et dégagent des excédents qui permettent à l’Asie orientale de participer aux investissements étrangers de manière massive en rachetant des entreprises occidentales ou originaires de Pays en Développement.
  • L’Asie est le 2ème pôle commerçant de la Triade (31% du commerce mondial de marchandises et 26 % de celui des services marchands en 2011) après l’Europe (37% / 45%) et loin devant l’Amérique du Nord (15% /15%) ; la croissance de son commerce est tout à fait spectaculaire avec + 20 % certaines années (2010), mais aussi très irrégulière et tributaire de la conjoncture internationale (- 10% en 2009)
  • La Chine est aujourd’hui le 1er exportateur mondial devant l’Allemagne et le Japon, les réserves de devises tirées de l’excédent commercial servent en partie à l’achat de bons du trésor américain de manière à financer le déficit budgétaire de la 1ère puissance mondiale.
  • Les bourses de Tokyo (Kabuto Cho) puis de Shanghai et de Hong Kong sont de toute 1ère importance et dans une moindre mesure celles de Taipei, Shenzhen et Séoul
  • Un espace au cœur des échanges mondiaux largement maritimisé (16 des 20 1ers ports mondiaux sont asiatiques dont 13 chinois).

B – Des modèles de développement différents

Un modèle de développement en vol d’oies sauvages : un pays initie le processus d’industrialisation sur un produit à faible technicité, il en devient exportateur, puis l’abandonne pour un produit à plus haute valeur ajoutée. Cet « abandon » permet à un autre pays d’entamer son propre processus d’industrialisation.

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Le Japon et les 4 dragons ont aujourd’hui des économies post industrielles et un haut niveau de développement (PIB/ ppa supérieur à 30 000 $).
La Chine n’a pas atteint le même développement : le PIB/h ppa est de 8400 $
(2011) mais dans les régions intérieures il est généralement plutôt de 5000 $.

Les IDH reflètent ces contrastes de richesse.
Il sont très élevés ou élevés au Japon, dans les 4 dragons, à Brunei et en Malaisie (Japon =0,901, 12èmerang mondial) mais faibles dans certains pays d’Asie du Sud et du Sud-Est
Pakistan (0,504, 145ème) Bangladesh (0,500, 146ème) Birmanie (0,483, 149ème)

III – Un développement incomplet

A°) Les freins au développement

« les niveaux de vie ont été multipliés par six, et plus d’un demi milliard de personnes se sont affranchies de la pauvreté  » Christine Lagarde. La grande pauvreté recule en part relative, passant par exemple de 84 à 16% en Chine entre 1980 et 2005 et de 78 à 18% en Asie du sud Est. Cependant dans la plupart des pays d’Asie l’enrichissement du pays n’a qu’un impact limité sur le développement et une minorité très riche est de plus en plus confrontée à une majorité pauvre qui n’a pas accès au développement. De nombreux défis sont ainsi à relever :
Défi sanitaire : réduire la mortalité infantile qui est encore de 63 pour 1000 au Pakistan, 47 pour 1000 en Inde et 20 pour 1000 en Chine
Améliorer la situation alimentaire – La Révolution verte en Inde à partir des années 1960, a permis d’assurer une meilleure sécurité alimentaire mais elle s’est cependant montrée insuffisante pour résoudre durablement les problèmes de sous nutrition en Inde. En Asie du Sud-Est, les réformes agraires et les collectivisations ont été des échecs (Cambodge, Laos, Vietnam)
La question éducative : améliorer les taux d’alphabétisation, de scolarisation, de scolarisation des filles, faire reculer le travail des enfants, développer l’accès à l’enseignement supérieur.
Les conflits sociaux : En Chine le mécontentement social s’exprime par des grèves, des révoltes locales à propos desquelles les autorités chinoises ne communiquent même plus de fait de leur expansion. Dans les grandes villes littorales les mingongs qui vivent comme des citoyens de second rang (pas de droits sociaux, pas de scolarisation publique pour leurs enfants) sont expulsés mais commencent à résister aux expulsions.
Les villes mondiales émergentes comme Mumbai ou Jakarta souffrent de congestion et de dysfonctionnements auxquelles s’ajoutent de fortes disparités socio-spatiales : de riches quartiers fermés voisinent avec des bidonvilles (revoir l’étude sur Mumbai).
Politiques : la cohésion nationale, l’intégrité de certains Etats peut-être remise en question par l’approfondissement des inégalités entre des régions.
En Chine, les inégalités sont profondes entre les régions littorales, moteurs de la croissance, et l’intérieur où des poches de pauvreté persistent, ce qui, superposé aux questions nationales, suscite la contestation tibétaine ou ouighoure.

B°) La question de la durabilité du développement

La phase rapide d’industrialisation, d’urbanisation, la construction d’infrastructures énergétiques et de transport lourdes, et le développement par endroits de cultures commerciales sont responsables, depuis plusieurs années d’une très forte dégradation environnementale.

La région est touchée par les pluies acides et une importante pollution atmosphérique, en particulier dans les villes chinoises et indiennes. La déforestation est importante dans certains États d’Asie du Sud-Est comme l’Indonésie, au profit de la culture du palmier à huile. La désertification et la pénurie hydrique posent des problèmes aigus en Chine.

Dans les zones d’intensification des activités aquatiques, les problèmes sont nombreux : salinisation des sols et de l’eau dans le delta du Mékong, aggravés par l’élevage des crevettes aux dépens des mangroves ou des rizières.

Les économies et les sociétés asiatiques sont aussi confrontées aux catastrophes naturelles (séismes, tsunamis, volcanisme, inondations, sécheresse). La croissance démographique dans des régions à forte densité accroît l’exposition aux risques naturels, en particulier au Bangladesh, régulièrement ravagé par les crues des fleuves et par les cyclones.

En 2011, les émissions de dioxyde de carbone de l’Asie représentaient plus de 40% du total mondial (Chine 25%). Depuis 2006, la Chine est le 1° pays émetteur de gaz à effet de serre.  L’inde et la Chine ont cependant montré des signes vers une politique plus respectueuse de l’environnement (interdiction des usines polluantes en villes, fermetures des centrales à charbon…)